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Jérôme Boutterin                                   

par Joe Fyfe

Septembre 2018

 

La beauté, à la fois séduisante et sévère des tableaux de Jérôme Boutterin, allie informations sensorielles et intellectuelles. Elles sont l’illustration de ce que signifie, à l’heure actuelle, le fait de peindre avec sérieux.

Les œuvres de Boutterin ont tout d’abord une nonchalance étudiée, manifestation de son éthique d’une honnêteté scrupuleuse. Il veut éviter tout type de supercherie, de fioriture, ou de maîtrise, afin de provoquer le spectateur. Il affronte le problème contemporain le plus pertinent de la peinture : ne  pouvoir s’empêcher de traîner avec elle son passé de vision du monde individualiste et exhaustive. Il est nécessaire pour la distance critique de Boutterin de résister à ce passé d’unicité. Mais le tableau doit également montrer une unité réussie à mesure qu’il décompose ses méthodologies. A cet égard, les stratégies de Jérôme Boutterin comprennent une palette limitée, dans le sens où sa couleur, bien qu’unie et vive, semble définir sa place sur la toile en tant que matière venant du tube. Ses choix de bordeaux, vert foncé, jaune cobalt, bleu outremer, sont empreints de stabilité et semblent non-référentiels. La peinture est appliquée avec un pinceau, et ses gestes sont rhétoriques de façon détachée, dépourvus d’émotions. Ainsi prend-il soin de ne pas souligner le rôle du peintre, malgré la présence de la main de l’artiste. Les gestes peints de Boutterin nous rappellent qu’il fut un temps où ils signalaient la subjectivité du peintre, mais à présent, ils sont simplement expressifs au sens le plus large qui soit ; ils sont des métaphores, des marqueurs ou des signes d’expression, mais ils ne sont pas subjectifs. La pression visuelle de chaque marque, les traînées d’un pinceau sec et engorgé de peinture, ou encore le mélange trempé de matières qui semble moins être appliqué sur la surface que pressé contre elle, telle une joue sur une vitre, souligne simultanément la toile blanche en tant que présence matérielle active.

Boutterin est particulièrement attiré par les œuvres de Gustave Moreau, et le musée près de Montmartre qui se trouve dans l’ancien atelier et école de Moreau contient une profusion de ses œuvres. Moreau était le professeur principal d’Henri Matisse, qui attribua à Moreau de l’avoir éclairé sur le pouvoir pictural de l’arabesque, cette ligne courbe et sensuelle, faisant le contrepoids des formes qui assouvissent les yeux ayant soif d’ornements. Dans les tableaux de Jérôme Boutterin, une structure invisible de rythme en forme d’arabesques suspend fermement les marques de peinture apparemment arbitraires. Il faut juste un peu de temps pour discerner la solidité des compositions, mais l’on est grandement récompensé lorsque l’on y arrive.

Traduction Mathilde Mazau.

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