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JACQUES BAGE

Répliques chromatiques

 

Explorateur infatigable de la couleur, Jacques Bage remise ses effets de transparence pour ne conserver que la substance. À travers ces réseaux d’aplats, il nous confie toute la fascination qu’il nourrit à l’égard de ces couleurs qui dégagent unanimement une puissance expressive. Livrant un condensé de l’histoire de la peinture tout en écrivant de nouveaux développements, le peintre s’inscrit dans la tradition de quelques néo-impressionnistes qui portèrent allégeance à la loi du contraste simultané des couleurs énoncée par Eugène Chevreul. Ce dernier affirma, en substance, que le ton de deux plages de couleurs de dimension suffisante paraît plus différent lorsqu’on les observe juxtaposées que lorsqu'on les observe séparément. Et c’est finalement dans ce va-et-vient de contrastes divers et variés - chaud/froid, clair/obscur, complémentaires, saturé/délayé - que l’artiste conduit notre regard. Fidèles aux théories chromatiques des anciens, ces couleurs gagnent à évoluer ensemble, se répondant en de multiples répliques inattendues. Les unes se taquinent tendrement, les autres se confrontent vigoureusement. Plus étonnante encore, la palette investie. Chaleureuse et audacieuse. Jacques Bage joue, jongle, s’amuse… Il expérimente et manipule avec une verve et une jeunesse sans pareille les roses tendres et les jaunes safran. Et que dire de ces harmonies de verts qui espèrent ?

 

Plus méticuleux que jamais, le peintre explore, encore et encore, le même schéma de composition. Une formule efficace, que certains jugeront simple ou naïve, qui impose néanmoins une réelle rigueur. Jacques Bage reproduit cette structure, et ses ingrédients récurrents, dans un travail de répétition qui confirme sa détermination. De toile en toile, on saisit la volonté d’asseoir son sujet en basant toute sa composition sur une teinte forte. Aussi, ces enchâssements d’horizontales et de verticales ne sont qu’un entrelacs de courbes extrêmement douces. Douces comme autant de caresses. Douces comme une légère vibration ou ondulation qui nous berce.

 

Entre symboles d’élévation et lignes d’horizon, il est tentant - et toujours confortable - de chercher quelques interprétations. Et s’il n’y en avait pas ? S’il était plus sage de s’extraire de toutes ces tentatives pour plonger dans la couleur ? L’artiste - qui porte avec une élégance stupéfiante ses quatre-vingt printemps - traduit l’énergie vitale qui l’anime. Peut-être manipule-t-il, inconsciemment, les principes de la chromothérapie ? Seule certitude : Jacques Bage use et abuse de couleurs qui revitalisent le corps, régénèrent le cœur.

 

Gwennaëlle Gribaumont, mars 2022

Historienne de l’art spécialisée en art contemporain.
Critique d’art dans les pages d’ArtsLibre (La Libre Belgique), de COLLECT AAA et de L’Éventail.

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